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Rachid Dechemi Méliani
11 octobre 2017

Violente diatribe d’Abdellali Merdaci, contre Sarah Haider.

Abdellali Merdaci qualifie Boualem Sansal d'odieux ... en définitive Rachid Boudjedra n'est pas seul dans l'art de la clabauderie ... 

 

sarah-haider 2Le combat douteux de Sarah Haider et son appel au boycott du SILA 2017.  

Par Abdellali MERDACI*

 9 Octobre 2017

Une pétition internationale, à l’initiative de la romancière et journaliste Sarah Haider, appelle au boycott du Salon international du Livre d’Alger 2017. Voilà une des manifestations du bel esprit du microcosme culturel algérois, toute de futilité. Et c'est, précisément, cette inutilité toute enjolivée, qui remplit le vide. Les faits sont aberrants. Le Commissaire du Salon international du Livre d'Alger (SILA), accessoirement directeur général de l'Entreprise nationale des Arts graphiques (ENAG), a évoqué dans un entretien avec une de ces télévisions privées – qui émettent en toute illégalité avec l'assentiment de l'État – un ouvrage venu d'Arabie, qui a été expurgé, en 2016, des présentoirs du rendez-vous annuel algérien de la littérature. Se prêtait-il, en la circonstance, à un humour tragique (« un humour populaire » soutiendra-t-il) sur le thème de l'ouvrage rejeté qui enseigne « la méthode de battre sa femme » ? Mais le fait est récurrent dans notre société. Il se lit dans les bas de casse et parfois à la une des journaux sans soulever de signalées indignations. Les Algériens, en fait beaucoup d'Algériens, ont relativement à leurs épouses et compagnes des pratiques cruelles, souvent mortelles. Je ne sais plus dans quelle ville (peut-être à Bou-Saâda, la bien-nommée ?) un quidam a volontairement et en toute conscience tué une femme qui le repoussait en l'écrasant avec sa voiture. 

Mme Sarah Haider s'est émue de l'innocent cabotinage de M. Hamidou Messaoud (« un ton humoristique adipeux ») au point de s’en remettre à la communauté internationale afin que nul n'en ignore, clouant au pilori le malheureux Commissaire. À que je sache, en l'espèce le féminisme étriqué de Mme Haider, qui n'a jamais manifesté son intérêt pour cette lancinante question sociale et milité publiquement pour le signalement des violences infligées aux femmes, est très circonstancié. Elle n’est ni Simone de Beauvoir théorisant, le siècle dernier, la condition de la femme, ni Judith Butler, portant le genre dans une action sociale. Mais Mme Haider écrit ; cela peut tenir lieu d’indiscutable justification. Elle requiert l’anaphore dans son appel au boycott pour tambouriner un argumentaire échevelé où Hamidou Messaoudi, Ali Benhadj, Hamadache Ziraoui et l’imam cathodique Chemseddine (« Cheikh Semsou ») forment un délirant et inattendu attelage.

J'avais lu péniblement, par loyauté professionnelle, son récit « Virgules en trombe » (2013) que m'avait recommandé Ahmed Halfaoui, attirant mon attention sur l'exceptionnelle mobilité linguistique de l'auteure, transitant de l'arabe au français. Ce n'était ni grave ni compliqué : Aminé Zaoui s'y était prêté, avec le tiède bonheur que l'on sait. J'ai découvert Mme Haider coiffée d'une autre casquette, journaliste (ou collaboratrice) de la rubrique culturelle du « Soir d'Algérie », dans d'autres œuvres inqualifiables. Il convient de s’en tenir aux faits : le philosophe Mohamed Bouhamidi et des intellectuels d'Alger avaient, à la demande de confrères palestiniens, protesté dans une déclaration publique contre la présence au nom de l'Algérie et de son cinéma d'une délégation de cinéastes dans la section « Open doors » du Festival du Film de Locarno (5-15 août 2015) qui donnait, cette année, une « Carte blanche » au cinéma israélien dont les représentants étaient en partie financés par l'Israël Film Fund, un organisme gouvernemental de l'État sioniste. La presse d'Alger (et, bien entendu, « Le Soir d'Algérie ») a refusé de publier cette déclaration. Les Tunisiens, entreprenant la semblable démarche auprès de leur gouvernement, avaient, toutefois, obtenu de leurs cinéastes de quitter la manifestation.

C'est dans ce sens qu'une correspondance a été envoyée par les protestataires au ministre de la Culture pour l'inviter à s'exprimer sur ce rapprochement culturel avec Israël. Il était clair pour les auteurs de la lettre que les cinéastes algériens en partance pour Locarno étaient libres de leurs choix politiques ; ils devaient avoir, en conséquence, la liberté d'en débattre. Mme Haider, interrogeant M. Yanis Koussim, un des membres de la délégation algérienne à Locarno, les a vitupérés dans une nauséabonde mercuriale dans « Le Soir d'Algérie » (« Ce que les ‘‘boycotteurs’’ ne vous disent pas », 12 août 2015). Affublé de l’étiquette de « boycotteurs », les protestataires ont fait parvenir un droit de réponse au quotidien qui les morigénait, qui ne l’a pas publié au nom d’un imparable raisonnement, inattaquable juridiquement : l’article de Mme Haider ne citait pas de nom. Remarquable étude de cas pour les écoles de droit et de journalisme. Les protestataires rabroués ne se faisaient donc pas entendre et le chroniqueur-vedette du quotidien, Hakim Laâlam (« Pousse avec eux »), pouvait commodément à leur endroit filer une grinçante métaphore, les traitant de « chasseurs d'étoiles ». Ils n'avaient pourtant pas demandé au ministre de la Culture de rameuter les tribunaux de Moscou et de Prague de jadis et naguère, d'ouvrir grandes les portes des prisons et d'ériger des guillotines en place d'Alger, mais de les éclairer sur cette promiscuité avec Israël dans une manifestation qui engageait l'État algérien. Qui ne soutiendrait pas cette démarche salutaire de probité morale, interpellant le gouvernement sur ses responsabilités politiques ? Le docte ministre de la Culture n'avait pas répondu à leur courrier. Et deux semaines après, alors que le silence gouvernemental a tissé sa trame, le cinéaste franco-algérien Merzak Allouache, toujours fêté à Alger, décoré au printemps 2017 du cordon du Mérite national, prenait part – au titre d'une délégation du cinéma français – au Festival du Film israélien de Haïfa (26 septembre-5 octobre 2015) où sera projeté sa « Mère Courage ». Il fallait, rien que pour ce type de permissivité accordée à des personnalités de la chanson, de la littérature et du cinéma se projetant au-dessus des chartes politiques de leur pays, que le gouvernement lève des équivoques et assume dans la clarté et la constance les positions de l’Algérie sur la scène internationale, plus nettement en ce qui concerne Israël.

Hier, avec le professeur Bouhamidi et ses protestataires contre toute forme d'intelligence avec l’État sioniste exterminateur d'enfants à Ghaza, aujourd'hui, avec M. Hamidou Messaoud et ses petites blagues qui lui vaudront, s'il n'y prête attention, le nez de clown abandonné de guerre lasse par M. Sellal, ancien Premier ministre, Mme Haider fait du buzz à Alger. Cela a bien valu pour d'autres nigauds une niche à Paris. Mais il ne faut pas se tromper : malgré son humour « sellalien », M. Hamidou, désigné à une injuste vindicte, a rendu d'éminents services à la littérature nationale : il n'a, certes, rien écrit à ma connaissance, mais il a imprimé des centaines de milliers de livres et introduit dans nos librairies la littérature universelle dans des collections à bas coût de l'ENAG, un respectable défi de culture populaire ; il est aussi, ces dernières années, par le biais du SILA, un remarquable propagateur du livre en Algérie.

Voici donc Mme Haider. Faut-il lui reprocher de s’accrocher à une tendance très actuelle et détestable des écrivains algériens qui n’existent et ne brillent que dans les marges de leurs écrits ? Je voudrais dire pourquoi je ne crois pas à son boycott du SILA, que je refuse. Personne n’a jamais pressenti ce type d’action extrême contre une des manifestations les plus consensuelles du pays. Le SILA est – et restera, il faut le souhaiter – un exceptionnel moment de culture partagée par les Algériens et, par sa capacité de réunir toutes les paroles du vaste monde, un remarquable outil pour une pédagogie de la démocratie. Comme tout organisme, enté sur la société, reflétant les inévitables contradictions de ses acteurs politiques et culturels, le Salon international du Livre d’Alger n’a pas toujours été un rendez-vous apaisé et il n’aura pas manqué de vives polémiques. Mme Haider observe justement que « le Salon international du livre d’Alger traine suffisamment de tares, allant du non professionnalisme à la marchandisation vulgaire en passant par la censure et la prolifération du livre religieux. »

Ces « tares » appellent à la critique et à l’action. Je me souviens qu’avec Ahmed Bensaada, physicien et publiciste, nous avions dénoncé – rejoints par de nombreux Algériens – l’interdiction, en 2010, au SILA du livre égyptien par Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture d’un gouvernement de M. Ouyahia, donnant suite à de regrettables péripéties d’un match de football. Il a aussi fallu, en ces années-là, témoigner de la censure au SILA du même gouvernement Ouyahia et de sa ministre de la Culture frappant Mohamed Benchicou et, même, l’odieux Boualem Sansal. C’étaient des combats à hauteur de convictions.

Il m’est arrivé, comme Mme Haider, de m’opposer à M. Hamidou Messaoud, directeur général de l’ENAG et responsable institutionnel dans le champ culturel national, de discuter et contester ses choix. Je me suis prononcé fermement dans une opinion publiée par le journal en ligne « Algérie patriotique » (Alger, 8 février 2017) contre la mainmise sur le Prix littéraire Assia Djebar de son administration et de celle de M. Djamel Kaouane, directeur général de l’ANEP, aujourd’hui ministre de la Communication, agissant pour le compte du ministère de la Culture en qualité d’organisateurs. J’estime que pour donner une chance à la littérature nationale de réaliser son autonomie et de se développer, le gouvernement et ses instances déléguées devraient se retirer des prix littéraires nationaux qui, dans leur principe, ne concernent que les acteurs du champ littéraire. Le même gouvernement qui contrôle, entrave et punit la littérature, ses auteurs et leurs œuvres, peut-il aussi éthiquement les récompenser ? La relation entre l’État, le pouvoir qui le représente, et la littérature n’évite pas le soupçon et, certainement, l’inquiétude, quand l’institution politique entend réguler son fonctionnement et lui imposer des attentes particulières. Par exemple, prescrire aux lecteurs ce qu’ils doivent lire par des sélections et des consécrations d’auteurs et d’œuvres par des prix littéraires gouvernementaux. L’État, le gouvernement, le ministère de la Culture, les directions de l’ENAG et de l’ANEP, entreprises publiques du livre, ne sont – et ne seront – jamais légitimes dans une compétition d’auteurs et d’éditeurs.

Il faudrait alors répéter, à l’intention de Mme Haider qui traque les blagues d’un haut-commis de l’État, que tous les combats ne se valent pas, qu’il y a d’autres combats à continuer et à vivre. Certes, pour la libération de la femme de toutes les servitudes, principalement celles du couple et, plus généralement, de l’aliénation de la société à des modèles socio-culturels régressifs d’Arabie. Et aussi pour une littérature affranchie de l’emprise de l’État et de ses appareils. Le boycott du SILA ? C’est moins de littérature en Algérie, moins de lecteurs, moins d’humanité, moins de partage. C’est aussi une tribune enlevée à la littérature algérienne qui lutte pour sa survie face aux dérives d’une grande partie de ses auteurs de langues française et arabe, qui depuis Paris et Beyrouth, en sapent les fondations.

Dans ce combat douteux que mène Mme Sarah Haider contre le SILA, il faut choisir son bord. Le seul qui vaille est celui d’une littérature nationale algérienne unifiée et libérée, parlant et écrivant toutes ses langues, pour rêver d’un pays d’espérances retrouvées.

* Professeur de l’enseignement supérieur, écrivain et critique.

 

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T
Mme Sarah Haider combat pour la libération totale de la femme musulmane des contraintes que lui imposent les textes les plus rétrogrades du Coran, et devenir la femme libre que la Nature faite, à l'instar de la femme chrétienne; Mme Sarah Haider fondatrice d'une association d'ex-musulmans, elle milite pour accorder à la femme musulmane les mêmes droits qu'ont toutes les occidentales, dans TOUS LES DOMAINES et TOUS LES DROITS: financier, social soit libérée du contrôle des hommes dans ses actions, héritage sans confiscation de son patrimoine personnel, sexuel pour faire respecter son consentement, lapidation en cas d'adultère, esclavage (sexuel ou non); divorcer d'un mari violent; statut d'égalité sociale et juridique avec les hommes: est-ce trop demander ?<br /> <br /> IL FAUT ENCORE BEAUCOUP DE Mme Sarah Haider pour libérer la femme musulmane des entraves que lui impose la religion..
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