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Rachid Dechemi Méliani
26 juin 2017

Le stoïcisme, une philosophie de vie intemporelle

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La perte d’un proche, une maladie incurable, une expérience traumatisante… Voilà autant de hasards malheureux qui peuvent nous arriver dans la vie et qui semblent représenter comme un obstacle vers le bonheur. Cette valeur suprême souvent considérée comme l’objectif ultime de la vie humaine est-elle alors une douce utopie ou bien un état réellement accessible ? Nombreuses philosophies de vie penchent pour la seconde option. Si le bouddhisme fait de plus en plus d’adeptes à travers le monde, ce n’est pourtant pas la seule philosophie ayant comme finalité la tranquillité de l’âme aussi appelée ataraxie. De la Grèce antique nous avons ainsi hérité de systèmes philosophiques « du bonheur » tels que l’épicurisme, l’aristotélisme ou encore le stoïcisme. Ce dernier système apporte justement des réponses rationnelles et raisonnables pour venir à bout des hasards malheureux de notre existence; et l’enseignement à en tirer n’a pas pris une ride en 2300 ans.

Le stoïcisme est né en Grèce antique et s’est étendu sur près de six siècles à travers trois principaux mouvements: le stoïcisme ancien, le stoïcisme moyen et le stoïcisme nouveau ou impérial avec Sénèque, Épictète et Marc-Aurèle (Ier-IIe s. après J.-C). Les seules œuvres complètes dont nous disposons sur le stoïcisme proviennent de ce dernier mouvement. C’est celui-ci en particulier que nous nous proposons d’étudier dans cet article. Dans ce vaste courant philosophique, le bonheur est défini par la négative: il consiste en l’ataraxie, c’est-à-dire en l’absence de troubles de l’âme, autrement dit en la sérénité de l’âme. C’est une philosophie eudémoniste qui fait du bonheur la fin naturelle de l’existence humain et de la sagesse la condition sine qua non pour y accéder.

Bien qu’aujourd’hui le bouddhisme soit parmi les philosophies de vie qui comptent le plus d’adeptes dans le monde, il existe une discrète communauté stoïcienne. Cette communauté s’est formée en octobre 2012 au Royaume-Uni lors d’un atelier organisé dans l’université d’Exeter. Les fondateurs, qui gèrent le site internet http://blogs.exeter.ac.uk/stoicismtoday/, se composent de sept universitaires et psychothérapeutes qui étudient ensemble et avec passion cette philosophie antique. Ils organiseront en 2015 pour la quatrième fois, la Stoic Week (semaine stoïcienne), événement international ouvert à tous les internautes. Sept jours durant, les participants sont invités à suivre les pratiques stoïciennes tout en les adaptant au monde moderne. Au fil de la semaine, les cours mis en ligne permettent d’appréhender les principes de base du stoïcisme. L’enjeu est de voir les potentiels bienfaits à tirer sur notre propre vie d’un tel mode d’existence et d’en mesurer l’utilité au quotidien.

DE L’UTILITÉ DU STOÏCISME

Quelque soient les hasards malheureux de notre existence, le stoïcisme nous aide à les accepter et à les dépasser. C’est dans ce cadre une véritable philosophie thérapeutique. Jamais un stoïcien ne se plaint de son sort ou ne laisse ses sentiments prendre le dessus sur sa raison. L’exemple d’Épictète, esclave affranchi et stoïcien ascétique majeur du courant impérial, constitue un véritable modèle. Un jour, son maître s’amusait à lui tordre sa jambe boiteuse avec un instrument de torture. Alors que le philosophe le prévenait calmement des risques qu’il y avait de lui casser la jambe, ce qui devait arriver arriva. « Je t’avais bien dit que me casserais la jambe, la voilà cassée » formula froidement Épictète après le drame. En tant que stoïcien, il ne fut pas troublé par son malheur. Un stoïcien reste donc serein en toutes circonstances, que la blessure soit morale ou physique.

L’éthique stoïcienne tient d’ailleurs à de simples préceptes qui n’ont rien perdus de leur efficacité aujourd’hui. Épictète expliquait l’importance de distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous : « Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions, en un mot tout ce qui est opération de notre esprit ; ce qui ne dépend de pas de nous, c’est le corps, la fortune, les témoignages de considération, les charges publiques, en un mot tout ce qui n’est pas opération de notre âme. »(Manuel d’Épictète). Dans la mesure où quelque chose ne dépend pas de nous, rien ne sert de pleurer. Bien au contraire, il dépend de nous de surmonter cette tristesse selon la logique stoïcienne.

Toute l’éthique stoïcienne tourne donc autour du bon usage de la raison qui doit nous permettre d’avoir le contrôle sur nos représentations en toutes circonstances. Il s’agit d’un art de la distance par rapport à tout ce qui agit sur nous.

LE STOÏCISME, UNE RÉPONSE À LA CRISE ?

Mais pour prendre un exemple plus moderne, la crise économique est un événement extérieur qui ne dépend pas de nous mais qui peut nous apporter des malheurs comme un licenciement, un pouvoir d’achat moindre ou un stress supplémentaire. Les deux autres grands principes du stoïcisme avec la distinction entre les choses qui dépendent de nous et les choses qui ne dépendent pas de nous sont la formule : « Subis et abstiens-toi » ainsi que l’indifférence au monde extérieur. En posture de victime de la crise économique, un stoïcien devrait donc supporter la pauvreté, supporter les malheurs extérieurs et finalement accepter son sort. Il n’est en effet pas de sa responsabilité de sortir de son malheur alors pourquoi désirer un bonheur aussi vain qu’utopique ? A l’instar du Sisyphe de Camus dans le Mythe de Sisyphe, c’est justement en vivant au présent sans chercher une impossible issue à son tragique destin que l’on parvient a être heureux.

Quoiqu’il en soit, le stoïcisme n’est pas seulement une réponse à la crise, mais à tous les hasards malheureux de notre existence en général, ce qui en fait une philosophie définitivement universelle et intemporelle.

STOÏCISME ET PASSION AMOUREUSE

Face à la problématique du sentiment amoureux qui n’a jamais cessé d’être actuelle, le stoïcisme considère cette passion comme n’importe quelle autre. Qu’est-ce qu’une passion ? Une inclination naturelle pervertie sous l’influence du milieu social et qui trouble l’âme. Les stoïciens considèrent que c’est l’habitude et l’éducation qui nous persuadent de certaines choses, que la douleur est un mal par exemple. La raison doit alors agir comme un filtre qui accepte ou non la passion et la régule. Il est dès lors possible d’être amoureux et stoïcien si et seulement si cet amour reste sous un certain contrôle.

Le discours suivant d’Épictète dans son Manuel n’a d’ailleurs pas perdu de sa modernité.

 « Devant tout ce qui t’arrive, pense à rentrer en toi-même et cherche quelle faculté tu possèdes pour y faire face. Tu aperçois un beau garçon, une belle fille ? Trouve en toi la tempérance. Tu souffres ? Trouve l’endurance. On t’insulte ? Trouve la patience. En t’exerçant ainsi, tu ne seras plus le jouet de tes représentations. Ne dis jamais, à propos de rien, que tu l’as perdu, dis : « Je l’ai rendu » Ton enfant est mort ? Tu l’as rendu. Ta femme est morte ? Tu l’as rendue. »

Le stoïcisme trouve ainsi des applications jusque dans la séduction, avec le contrôle des pulsions trop fortes, ou dans la mort d’un proche, avec l’acceptation du cours des choses.

LES PRÉJUGÉS SUR LE STOÏCISME

Crédits www.modernstoicism.com

Malgré des enseignements clairs, le terme stoïque souffre aujourd’hui, tout comme le terme épicurien, de nombreux préjugés. Si l’épicurien est loin d’être la définition originelle de l’Homme bon-vivant, le stoïque ou stoïcien est loin de définir un Homme sans émotions. Voyons les préjugés les plus courants.

Un stoïcien est insensible, n’a aucune émotion et est totalement apathique. Le stoïcien a bel et bien des émotions, mais ne s’y abandonne que dans la mesure où il ne perd pas sa lucidité. Il rationalise ses passions. Il est tout à fait possible d’aimer et d’être stoïcien, dès lors que l’on contrôle notre représentation de l’amour. Cela signifie qu’un stoïcien ne sera pas affecté par la mort de sa femme, car il a, d’une certaine manière, déjà considéré sa perte. Encore une fois, il ne contrôle pas le destin, mais le regard qu’il porte sur les choses. Il en va de même pour la douleur physique : il ressent bien la douleur, mais en a un ressenti différent de l’opinion commune, il ne l’associe pas à un quelconque mal.

Un stoïcien laisse faire les choses, se laisse mourir s’il est malade. Encore une fois, il s’agit d’une idée fausse sur le stoïcisme. S’il est malade, un stoïcien appelle un médecin pour se soigner car il est en son pouvoir (cela dépend de lui) d’appeler un médecin et de se faire soigner : la santé est préférable aux troubles du corps. En revanche, si la maladie s’avère incurable, le stoïcien l’accepte et vit sereinement ses derniers jours.

Le stoïcisme est une philosophie égoïste, qui ne se préoccupe pas du bien commun. Il est vrai que le stoïcien cherche avant tout son propre équilibre, et l’amour en tant qu’amour d’autrui n’a pas la première place dans cette philosophie. Mais cet égoïsme est tout relatif, car le stoïcien reste un Homme, et l’Homme est par nature un être sociable. Il n’y a aucune contradiction entre philanthropie et stoïcisme. Il s’agira d’une philanthropie « lucide » et non d’un abandon de soi à l’autre. Mais nul n’aurait besoin de philanthropie s’il était lui-même stoïcien.

QUELLE CONCLUSION ?

Dans la théorie, le stoïcisme est donc un système philosophique qui considère la raison comme le remède aux maux de la vie. C’est en effet grâce à cette raison, spécifique à l’espèce humaine, que l’Homme peut atteindre le bonheur (défini par l’ataraxie) et ce, quelles que soient les circonstances de sa vie. Esclave ou maître, de classe ouvrière ou aisée, le stoïcien reste maître de ses représentations, c’est-à-dire de son regard sur les choses. Il voit les choses telles qu’elles sont et est conscient de leur temporalité. Il ne s’abandonne qu’avec raison à ses passions.

Dans les faits, la mise en application des principes stoïciens permet-elle vraiment une vie meilleure ? Selon les statistiques récoltées par l’équipe de la Stoic Week 2013, parmi les 2400 participants, 56 % disent être devenus plus sages et meilleurs. Toujours parmi ces 2400 participants, 14 % ont noté une augmentation dans la satisfaction de leur vie, 9 % une augmentation des émotions positives (joie ou optimisme) et 11 % une diminution des émotions négatives. Les résultats peuvent paraître faibles, mais ils sont significatifs sur une si courte période. En effet, devenir stoïcien ne se fait pas en une seule semaine. Il faut plusieurs années pour se rapprocher de l’idéal de sagesse prôné par cette philosophie. Mais le fait est qu’en sept jours, on obtient des résultats chez certaines personnes. Sur plusieurs mois ou plusieurs années, les résultats positifs seraient probablement des plus conséquents.

Quoi qu’il en soit, les ouvrages étonnamment modernes de Sénèque, Épictète ou Marc-Aurèle constituent un parfait prolongement de cet article pour les plus intéressés.

DIMANCHE 15 FÉVRIER 2015  

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PAR JEAN-BAPTISTE RONCARI. 

Etudiant en Sciences sociales du politique à l’IEP de Strasbourg, je prépare un mémoire en sociologie politique de l’Europe. Outre les sciences sociales, mes disciplines de prédilection sont la philosophie et la littérature.

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