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Rachid Dechemi Méliani
26 juin 2015

Forum culturel d'El Moudjahid, l'exploitation des salles de cinéma en Algérie ...

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Rencontre avec Rachid Dechemi, producteur et distributeur

“Il faut combattre le piratage”

« Il faut  faire le bilan  du secteur du cinéma avec tous les corps de métier de ce secteur que ce soit la production, la distribution où l’exploitation… avec des états généraux  pour qu’on accouche d’un beau bébé qui mettra bien de l’ordre », souligne Rachid Dechemi.

Pouvez-vous nous faire un état des  lieux de la distribution cinématographique en Algérie ?

Pour faire un état, il y a trois dimensions qu’il faut prendre en considération : jusqu'à la nationalisation de la distribution qui s’est faite en 1964,  la distribution des films a été faite par la Paramount et les «  Majors » en Algérie, par la suite elle est passée sous l’égide de l’Etat, jusqu'à la restructuration et puis la disparition de ce qui a été appelé l’ONCI. 

Pendant toute la période où la gestion était régie  par le secteur public, il y avait des mécanismes qui étaient parfaits. Par contre, il faut ouvrir une parenthèse qui est très essentielle, c’est qu’à l’époque, le cinéma n’avait pas, à proprement dit, de concurrents  directs. La Télévision algérienne diffusait de 17 à 23 heures, la parabole, ou disant le, les émissions de télé par satellite n’existaient pas, donc le cinéma avait de très beaux jours devant lui. Par la suite, il y a eu la venue de tous les mécanismes qui ont fait un peu faillite à l’exploitation du film en salle, c’est l’avènement de la cassette VHS. Les gens commençaient à avoir le caméscope. Dire que c’est la décennie noire  qui a fait que le cinéma a vu une détérioration au niveau du nombre du public en salle, moi je dis que c’est faux. Malheureusement, c’est dans les années 80, où les salles de cinémas étaient confiées à des  APC, et ces gens-là ne s’y connaissaient pas en cinéma. C’est à ce moment-là, qu’on a vu des salles de cinéma se transformer en pizzerias, salles des fêtes…La classe politique aussi a apporté sa part de détérioration. Nous avons monté un festival international du film Court métrage à Blida où le public hésitait à rentrer en salle parce qu’il a pensé que cette manifestation était une réunion politique, alors on s’est rendu compte qu’au fait à force d’accaparer les salles pour des réunions politiques les gens ont  tendance à oublier l’aspect culturel.

La problématique de l’exploitation en salle est énorme et diverse. Pour faire le bilan de tout cela, j’imagine qu’un jour ou l’autre on sera appelé à le faire avec tous les corps de métier de ce secteur que ce soit cinéma, production, distribution d’exploitation… avec des états généraux pour qu’on accouche d’un beau bébé qui mettra bien de l’ordre. Personnellement, je trouve que le cinéma, depuis la déstructuration du service public, a connu de 2007 jusqu’à aujourd’hui des événements extraordinaires, tel que les subventions du cinéma depuis une dizaine d’années ont réellement étaient actionnées. Depuis la gestion du cinéma par le secteur public, le cinéma n’avait pas une assise juridique. Il fonctionnait sur une ordonnance de 68 qui émane du ministère de l’information et que ce dernier n’existe plus. Aujourd’hui, nous avons une loi qui date de deux ans. Pour les réfractaires, je dis que vous vous êtes trompés, parce que pour moi c’est une avancée qualitative.

Grâce à cette loi, plus personne ne peut dire qu’il n’y a pas un cinéma en Algérie. Cette loi si elle a des imperfections, elle peut être amendée  comme toute loi. Elle peut être améliorée au sein des états généraux qui j’espère seront organisés pour aborder toutes ces questions.

Dans l’ensemble, si le cinéma algérien ne va pas bien c’est au même titre que le cinéma mondial : une population de 300 millions d’Américains, supposant qu’il y a 10 pour cent qui vont au cinéma donc cela fait 30 millions  à raison de 10$ la place cela fait 300 millions de dollars. Comme producteur, si je fais un film même si il me coûte 200 millions de dollars, je sais qu’il y a une rentabilité. Or, en Algérie, nous sommes presque 40 millions d’habitants avec des réflexes de loisirs qui sont encore à l’étude ; en tant que distributeurs, nous essayons de comprendre ce qui fait drainer le public dans les salles ? Nous menons sous forme de plan média une action avant la sortie des films pour comprendre les mécanismes de marketing qui  diffèrent d’un pays à l’autre. Ce qui nous permet de connaître les mécanismes du public algérien.

En Algérie, il y a plusieurs festivals de cinéma. Après la fin de la manifestation, il n’y a jamais de promotion pour les films. Pourquoi ?

L’ennui, en Algérie, pour ce qui est des secteurs culturels et de loisirs confondu, est dû au manque de promoteurs. Ce métier de promotion, malheureusement, nous ne l’avons pas en Algérie. Parce que les promoteurs sons des gens qui prennent un film, une pièce théâtrale… pour faire leur business. En ma qualité de distributeur, je trouve que c’est un monde très difficile, vu qu’on ne sait pas quels sont les mécanismes pour entreprendre la bonne gestion. Il y a une carence  dans la billetterie dans les salles… Il y a aussi la phase du populisme ou l’activité culturelle  et de loisir était gratuite. Je m’étonne vraiment qu’on puisse aller dans des salles voir un spectacle gratuitement. C’est vraiment extraordinaire parce que cela n’existe plus dans aucun pays au monde. C’est une très bonne chose, mais peut-être que les mécanismes de la gratuité ont fait qu’on ne mène pas de campagnes publicitaires, de promotion… Je pense que le vrai problème est qu’il faut créer une génération de promoteurs en Algérie. Il faut mettre des assises qui peuvent être discutées au niveau des états généraux. Il faut aussi que dans les instituts qui forment les gens du cinéma, où il n’y a pas que le scénario, le montage… il y a aussi la promotion.

Au final, on ne peut encore envisager une industrie du cinéma en Algérie ?

Il y a une vingtaine d’années on aurait pu parler de l’industrie du cinéma avec des laboratoires, des audits… Aujourd’hui, le problème c’est qu’on est dans un virage qui fait que le monde du cinéma est en train de s’interroger vers quel format de film on va aller ? Je prends l’exemple de la fibre optique utilisée aux Etats-Unis d’Amérique. Les Américains se sont déchantés par ce qu’il ont vu qu’une grande partie du monde était équipée encore de 35mm et que s’ils faisaient une révolution de la fibre optique au Etats-Unis ils vont perdre le marché international. C’est une question de calcul. Ce n’est pas une problématique algéro-algérienne, c’est une problématique internationale. Avoir une industrie, ce n’est pas le seul problème. Il y a aussi le problème de scénario, de financement… les plus grands  producteurs ont  aussi des problèmes. Concrètement, il faut aller doucement avec ce qu’on peut faire. C'est-à-dire qu’il ne faut pas bousculer nos habitudes, en même temps, il faut réfléchir pour une amélioration parce qu’on n’a aucun héritage du secteur public vu qu’il était largement subventionné, peut-être aussi qu'il faut solliciter des professionnels d'ailleurs qui peuvent nous aider  à comprendre certaines problématiques.

Qu’en est-il du piratage ?

Honnêtement, le piratage d’un film algérien est un honneur pour le réalisateur, le producteur et les comédiens. Parce qu’on est subventionnés et il n’y a pas une dimension commerciale. On commence à combattre le piratage au moment où on a des mécanismes de travail, à ce moment-là, on s’intéresse au piratage. Aujourd’hui, le piratage du film algérien est une bonne chose, c’est comme une reconnaissance du public. C’est presque le prix du public.

Propos recueillis par Kafia Ait Allouache    

El Moudjahid - Culture - 17 janv. 2013

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