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Rachid Dechemi Méliani
2 avril 2015

L’art plastique algérien en deuil. III

Photo à la Galerie Dar-el-kenz à Chéraga. 4/2/2012

 

 

 

 

 

 

 

 L'Artiste est mort.

L’artiste peintre Abdelwahab Mokrani n’est plus. Il est décédé à 58 ans, le 3 décembre 2014 à Alger


Entretien avec Abdelwahab Mokrani - Par Dominique Le Boucher - Algérie Littérature Action N° 18

 - DLB : Pourquoi avoir choisi ces formats particulièrement petits et d’où vient cette manière d’habiter l’espace, comme si l’enjeu était de modifier l’univers extérieur à la peinture avec des personnages qui semblent soudain beaucoup plus grands que la taille réelle du cadre?

 - A. Mokrani : “Aux Beaux-Arts de Paris, j’ai fait de la gravure, et je crois que je reste tributaire de cette formation. Le côté matière que l’on peut toucher m’importe beaucoup, et m’écarte d’une approche intellectuelle trop abstraite de la peinture. J’ai besoin de ces fonds qui font songer à du cuivre, mais peut-être aussi à de la terre. Cet ocre, par exemple, sur lequel se déplient des corps de couleur vert d’eau, à peine esquissés. Tout ça est fait avec une grande économie de moyens. Sans entrer dans le détail. Les personnages ne signifient pas, ils suggèrent. Ils suggèrent qu’il y a quelqu’un là, ou qu’il y était il y a peu de temps. Ce qui est trop précis, on en a vite fait la lecture. Au contraire, ce qui demeure mystérieux crée une passerelle entre l’imaginaire du peintre et de celui qui regarde, et cela doit fusionner.

 Un petit format c’est une confidence, un face à face. Et dedans, on peut dévoiler des corps, les mettre à nu, les écorcher comme cette femme que tu vois là, dont tout le bas du corps replié prend une telle importance qu’il semble que le cadre n’existe plus. Tu imagines ça beaucoup plus grand, ce serait de l’exhibition. Alors que là, la violence est contenue. Il y a de l’Algérie, bien sûr, dans cette peinture et dans les autres, mais pas d’étalage, pas d’actualité ni de spectacle. La luminosité des couleurs atténue ou renforce, selon l’humeur de celui qui regarde, ce qui est ressenti. Cela peut être un drame, mais la couleur le magnifie. C’est très ambigu comme message. Ce rouge est fait de toutes les nuances possibles: brique, carmin, orange, orangé-rose, à l’infini. Ça peut prendre une dimension pathétique, et en même temps c’est du rouge qui éclate et qui est contenu dans un corps de femme. Qu’est-ce que je peux faire d’autre pour dire l’Algérie dans mon rapport à elle, comme un secret? “

 Il n’y a que des corps posés devant moi. Des amas de corps s’agglutinant comme des poissons asphyxiés sur une grève dont on ne distingue aucune limite rassurante, pas même celle d’une mer improbable. Des corps souvent sans membres qui fassent sortir l’être de sa chrysalide. Et pourtant, de ce magmas de lave encore luisante dans laquelle ils semblent moulés comme les dormeurs de Pompéi, s’esquissent des mouvements arrêtés soudain, comme figés au cœur de l’élan qui les portait. Une danse lente de la matière soudant du ventre de la terre et s’immobilisant au contact brutal avec la lumière. Corps dédoublés où l’homme qui retient la femme complètement absente fait partie d’elle. Corps frottés de sable et d’encre pourpre fusionnant avec l’ombre debout, rigide à quelques pas, d’un vert abyssal presque sans fond. Corps dont on ne devine pas aisément le sexe ni le visage. Formes se réduisant telles de petites statuettes d’argile à peine marquées d’une empreinte. Visages sans regard se rétrécissant, peau de chagrin d’une face racornie, séchée et raclée par la rudesse des vents. Et puis toujours cette fenêtre en arrière-plan dans une fuite vertigineuse où des bleus de turquoise et de safre coulent sur l’indigo du crépuscule.

 Lire la suite de l'entretien :  http://marsa-algerielitterature.com/entretiens/51-entretien-avec-abdelouahab-mokrani-.html

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